Andres Manniste: Quelques mots... suite
En 1999, j'ai invité des gens dans mon atelier dans le cadre des Journées de la culture. Pour la majorité de mes invités, il s'agissait d'une première expérience avec la peinture à l'huile, les pinceaux et un canevas apprêté. Plus tard j'ai recouvert la surface avec mon pointillisme. Une fois que le travail était fini, il ne restait que des traces du travail collectif. Tout à coup le pointillisme faisait du sens. Mon travail est en partie antithéorique et une recherche dans l'expérience originale. La peinture constitue une réflexion à propos de ce que je vie (Création du savoir, 2003).
Grâce à un processeur d'ordinateur l'acte de penser même peut être exploré sous forme des souvenirs virtuels où des métaphores. Sur le réseau cette circulation devient lui-même l'œuvre d'art. Tout en sachant que je pouvais instantanément créer mon propre réseau vaste et inconnu, m'a fait voir les limites de la matérialité. Bien que j'aie persisté à une production en atelier, je ne me sentais plus obligé de respecter les paramètres d'un cadre, d'un espace physique ou d'un client particulier.
me_me_2006 est une oeuvre conçue pour le réseau. Je l'ai créé de sorte à refléter la façon dont mes pensées se manifestent dans ma tête. Alors que la vie se poursuit autour de moi, je me vois dans une bulle tout en étant reliée voir prolongée vers l'extérieur. De cette perspective j'observe le contenu de mes pensées qui défilent où je tente d'en saisir les étincelles de ma conscience, précieux indices de mon existence intérieure. Une fois communiquées à mon serveur, un simple clic sur l'image granuleuse de mon visage, et des animations apparaissent et disparaissent au son d'un air de tango. Un autre click et le son soutenu de violons se fait entendre tandis que la voix d'un enfant réclame mon l'attention. À peine attentif je poursuis mon travail à l'ordinateur, mes pensées errent, le son diminue et la réalité semble être de plus en plus éloigné, la réalisation d'oeuvres m'aide à sonder le lieu physique de mes origines et l'idée de ma propre fin.
En 2006, la fusillade qui a eu lieu au collège Dawson m'a grandement ébranlé. J'ai créé l'œuvre Internet "(Supercolumbine)" tout de suite après. Elle est plutôt directe et crue et elle me semblait incomplète, curieusement
Ces fusillades, avec les victimes féminines m'ont toutefois rappelé Penthésilée la reine des Amazones. Le pouvoir du mythe grec provient de la distinction entre la réalité et l'illusion. Dans l'Antiquité, les dieux, issues de l'imagination n'avaient pas la même réalité quotidienne que l'agriculture et la pêche. Aujourd'hui, cette différence a été mise à l'épreuve, d'abord par la photographie, ensuite par le cinéma et, maintenant par l'informatique. Au fur et à mesure que les réseaux et les technologies évoluent, l'interaction entre le concret et l'imaginaire devient chose courante et les limites, traditionnels ambigües. L'identité, le genre et l'apparence physique sont trompeurs sur le réseau, car il devient impossible de distinguer le vrai du faux, une personne d'une entité mythique. L'illusion est perçue comme la réalité. Voici la métaphore: Penthésilée est remplacée par une substitut comme Wonder Woman ou Lara Croft et la signification du mythe est supplantée par la mode, le divertissement et la consommation. Ces crimes sont engendrés de cette confusion entre la réalité et l'illusion.
Penthésilée est une peinture composée de 14 panneaux, un livre, un site Web Wiki interactif et plusieurs projets connexes. Il était possible d'y accéder alors que mon travail était en cours. J'ai invité les gens à modifier sa progression par l'entremise d'un logiciel de blogue qui enregistrait les commentaires et modifications ainsi que l'historique du projet.
Mon travail le plus récent en atelier porte sur ma présence dans un monde qui a beaucoup changé depuis 1999. Je suis conscient que j'appartiens à une époque qui a précédé Facebook et Tumblr. Je n'ai pas le vécu de mes jeunes étudiantes. Je travaille avec des images photographiques, dont plusieurs sont des anachronismes que je choisis dépendamment de mon humeur, comme si mon âge et mon expérience me permettaient ainsi. Je peins mes oeuvres très soigneusement, comme on produit une impression en quadrichromie. Je peins de très grand format pour faire en sorte qu'il soit difficile de les regarder comme de simples images. De plus près, la richesse et la texture nous amenons dans une expérience propre à la création. Du moment où le sujet me parait reconnaissable, je les enfouis sous des granules de couleurs pour en dissimuler certains caractéristiques pour que l'image en soit modifiée. Je fais des oeuvres qui suscite plutôt l'expérience matérielle issue d'une époque ou l'atelier avait son importance et l'écran d'ordinateur n'était que merveille.
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